–  Le 16 juin 2017

Durant une semaine, Maryline, première année, nous a livré son ressenti à travers une photo et quelques mots, chaque jour du pèlerinage. Jeune retraitée, elle nous a fait vivre la ferveur de Lourdes à travers ses découvertes, ses rencontres, ses joies et ses doutes.

REVIVEZ le pèlerinage de Lourdes 2017 à travers les yeux de Maryline, laissez vous transporter par ses écrits remplis de sincérité et d’émotion.

 

_Le liseron et le tournesol_

Demain cela fera quinze jours que les cars sont repartis de Lourdes vers le nord, vers Roanne. Le temps a passé trop vite « là-bas », tant de choses vécues, le retour me semble si proche, je referme mes mains pour garder « ça » à l’intérieur, que je ne veux pas perdre.

Mais comment décrire « ça » ?

Lire un commentaire du Grand Rabbin Richard Wertenschlag *  je cite : « Dans notre cœur il y a une partie bonne et une partie mauvaise. Or, il faut réussir à aimer Dieu de tout notre cœur, c’est à dire même et aussi avec la partie mauvaise !« , m’a permis de trouver ce que contenait mon « ça » : la dualité du cœur humain, et donc du mien.

Deux images végétales :

le liseron , la partie mauvaise, le côté sombre, s’insinuant lentement dans le cœur jusqu’à l’emprisonner et le vider de son essence…

Assoupi dans des habitudes et des a priori, on se met à perdre de vue l’essentiel. Puis on se perd de vue : on est fatigué, on a toujours mal quelque part… Enfin on perd pied : on fait un burn-out, on tombe dans la dépression, dans le désespoir … Prisonnier d’une vie dont on a perdu le sens, on se dessèche par manque de spiritualité et d’amour.

le tournesol, la partie bonne, le côté ouvert se tournant vers la Lumière

A Lourdes, ce fut une découverte merveilleuse de voir comment les différents sites du sanctuaire appelaient et sollicitaient les cœurs acceptant de lâcher prise et de se « laisser faire »… De voir l’éveil se lire sur les visages transformés… comme je me suis sentie transformée en « moi mais en mieux ».

Ces quelques jours décollèrent sans souffrance la grisaille qui m’anesthésiait. Ressentant du bonheur à être et à me sentir utile, en me tournant vers les autres, je me suis aimée un peu plus. La joie de faire quelque chose pour l’autre (et de me sentir « bonne ») m’a donné des ailes.

La vie est peut-être un long chemin pour apprendre à gagner sur l’ombre et agrandir la lumière ?

Mais comment, sans être à Lourdes, y arriver ?

J’essaie des petits trucs : je regarde moins la télé, je lis des livres achetés à la librairie du Sanctuaire, je chante souvent deux chants que j’aime particulièrement. Je regarde TV Lourdes, j’écoute Monseigneur Barbarin sur YouTube (je crois que je suis fan)… Et j’ai un projet encore tout flou de pouvoir « servir » ici, entre deux « Lourdes », pour « eux » mais aussi pour moi.

J’en ai besoin.

Je ne sais pas si je trouverai la Foi dans mon cheminement. Croire, pour moi, c’est être dans l’évidence. Mais j’ai déjà une évidence : je crois en l’être humain, et qu’il peut changer.

*dans « Le rabbin et le cardinal », de Gilles Bernheim et Philippe Barbarin, Ed. Stock – 2013.

 

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_Le premier pas_

 

J’ai « rencontré » Lourdes une tasse de café à la main, écoutant le récit vivant, profond et paradoxalement joyeux qu’en faisaient deux personnes amies revenant du pèlerinage. Ces vécus, l’une dans le cadre des pèlerins  et l’autre dans le cadre des hospitaliers, m’impressionnèrent. Un tel partage et une telle ouverture sur un monde simplement « humain » dépassaient un cadre religieux rigide que j’appréhende.

J’avais peut-être là ce que je cherchais confusément. Faire quelque chose d’utile, aider, servir… l’idée de Lourdes est née ce jour là.

Quelques temps après, trouvant l’adresse du site dans un article du « Pays Roannais »sur le pèlerinage 2016, j’y allai en « repérage ». Ma décision était prise. « Ça » commençait à travailler dans ma tête !

Début avril 2017 arrive le concret : l’inscription, l’essayage de la « tenue », la journée de formation pour la manutention des malades … mais surtout la rencontre  avec des « autres » : permanents de l’hospitalité ou bénévoles, ceux qui sont déjà partis, ceux qui viennent comme moi pour la première fois … je m’y suis sentie bien, accueillie et acceptée telle que j’étais.

A quelques semaines du départ, Lourdes reste encore pour moi un mystère, quelque chose d’unique qui à la fois attire et fait peur : un cheminement, une aventure, aller à la découverte des autres … et aussi de moi : qu’est-ce que je vais y chercher ? que vais-je y trouver ? est-ce que je saurai donner ce dont l’autre a besoin ? et saurai-je reconnaitre et saisir ce que cette expérience peut me dévoiler pour moi ? aujourd’hui je suis dans l’avant, il y aura le pendant et puis l’après  …

 

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–  le 21 mai 2017

_J-8_

A huit jours du départ, mes pensées continuent à évoluer au fil des rencontres pré-pèlerinage.

Jeudi soir a eu lieu le rassemblement des 302 hospitaliers en partance. J’étais heureuse de revoir quelques visages connus, car dans la foule bruyante (beaucoup se retrouvaient avec plaisir) je me sentais un peu perdue. Différentes personnes sont intervenues, mais c’est une phrase de l’aumônier qui m’a percutée : « les temps du matin sont nécessaires et vitaux, car ils sont différents d’une œuvre humanitaire« .

Jusque-là, aller à Lourdes, c’était facile ! Aider, servir, mais … et le mot « pèlerinage » ? J’avais occulté la dimension religieuse, et elle faisait retour de façon imprévue !

L’autre mot qui me secoua fut « spiritualité », hier matin, lors de la dernière session de la formation manutention des malades ». La formatrice a insisté sur le fait que la spiritualité imprègne les soins, même les plus humbles (faire les lits, les toilettes, le ménage, porter les repas, pousser un fauteuil …).

Pour arriver à ça en soi, le cœur doit être à 100% dans l’ici et le maintenant, sans coins d’ombre ni dénis !!! Alors tout doit être simple et beau, même les gestes apparemment rebutants, car faits avec amour.

Peut-être est-ce ce cœur-là qui m’attend à Lourdes ? Si j’accepte de quitter mon traintrain confortable, de « faire des efforts » ? Par exemple, me lever pour le chemin de croix à 5h30 : quand on m’en parla la première fois, j’ai botté en touche, en me disant « ça ne doit pas être obligatoire » … envie de « sécher » le parcours. A ce jour au contraire, je crois que je manquerais quelque chose d’important si je préférais mon lit.

Je commence à comprendre que ces cinq jours à Lourdes, là où humanitaire et spiritualité fusionnent, seront sans doute surprenants et exceptionnels, et qu’ils auront un impact intérieur profond.

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–  le 29 mai 2017

J1 _Toucher des doigts le but_

Le merveilleux d’un départ très matinal, c’est de voir le jour puis le soleil se lever. C’est toujours un moment de grand bonheur, et ce matin il n’était pas solitaire mais partagé. Alors je ressens de l’allégresse et que oui ! il y a sur terre des merveilles…

Le voyage fut coupé de deux pauses conviviales. Le ciel ensoleillé devenait de plus en plus menaçant à l’approche de la montagne, cependant malgré la lourdeur orageuse, pas de pluie !

Juste le temps de prendre possession de la chambre, enfiler la « tenue » et c’est l’heure du rdv devant l’ascenseur panoramique de l’Accueil Notre Dame pour les « première année ». Entourés de nos marraines et parrains,  nous nous constituons petit à petit en un groupe homogène, né sur une photo, développant un sentiment d’appartenance à la fois à notre petite « famille des bleus » et au grand groupe de l’Hospitalité du Roannais. Notre signe de reconnaissance : notre foulard orange, couleur de feu (comme les cierges) et de joie.

Découverte (nécessairement sommaire) du site : les différents services de l’Accueil Notre Dame et les sanctuaires, tous lieux empreints de la ferveur et du recueillement des visiteurs et pèlerins qui se croisent et se côtoient au gré des prières, au son des carillons et au fil du Gave.

Marcel explique que ce parcours que nous effectuons « n’est pas du tourisme mais la visite du « service » (servir) car Lourdes c’est Accueil et Recevoir ». Dans le calme de la chapelle Saint Pierre,  il nous lit le témoignage d’une hospitalière empreint de poésie et profondément humain. Elle y exprime ce qu’il est possible de donner, ce qu’il est possible de recevoir, quand on vit dans l’amour de l’Autre. L’essentiel !

Ce parcours de près de trois heures, éprouvant physiquement (je me sens un peu « cassée ») a été malgré tout le bonheur du soir : vivant, joyeux et émouvant, étayé par le récit de petits instantanés, de vécus de pèlerins, d’hospitaliers, de « trucs pratiques », et toujours imprégné des consignes essentielles : respecter, servir, prendre soin, avec peut-être ce soir en plus la sensation que Marie est là, partout et pas seulement dans la grotte, dans l’histoire de Bernadette,  et que nous sommes réunis ici pour la fêter et la remercier.

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–  le 30 mai 2017

J2 _Pluie dehors, soleil dedans_

Le chemin de croix des Espiluges au petit jour ressemble à un puzzle : suivre la Lumière (la lampe) du récitant dont la voix commente et invite aux prières, aux chants et aussi à se questionner, les scènes des stations, violentes dans l’horreur des faits et cependant composées de sculptures que je trouvai belles plantées au milieu des rochers et des arbres nimbés de crachin, puis le jour qui nait au rythme des pas sur ce chemin escarpé que nous suivons ENSEMBLE …

l’émotion que j’en ai ressentie est trop « neuve », je n’en ai pas trouvé les mots.

La fin de matinée fut plus légère car elle me permit de découvrir une  personnalité étonnante qui m’a enthousiasmée par la joie qu’elle dégage et qu’elle génère chez l’autre.

J’aurais beaucoup plus aimé le catéchisme, j’aurais été plus assidue ! si les prêtres de mon enfance avaient eu le panache, l’humour, la capacité à captiver l’auditoire de Monseigneur Barbarin, qui improvisa un « chemin de croix verbal »  au cinquième étage de l’Accueil Notre Dame pour les pèlerins en accueil quand le chemin de croix des malades fut annulé pour météo défavorable.

Aller sur les pas de Bernadette m’a intéressée (j’adore l’Histoire) et, sensible aux atmosphères des lieux, j’éprouvai une tendresse mêlée de tristesse davant ces témoins silencieux du passé. Mais ce qui m’a « transportée » fut la messe d’ouverture du pèlerinage. Je n’avais encore jamais assisté à une telle messe.

Tout a concouru à faire monter mon émotion : la, les orgues majestueuses, la chorale des jeunes, les gestes harmonieux du Maître de Chœur … les prières et les chants … une communion humaine des âmes, avant la communion par l’Hostie.

Il n’y avait plus de malades, plus de pèlerins, plus de « bobs », plus d’hospitaliers mais un cœur uniquechacun était l’égal de l’autre.

Enfin ce cercle des prêtres enveloppant de sa blancheur l’autel … c’était puissant et transcendant.

Il serait donc possible de retrouver la Foi ?

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–  le 31 mai 2017

J3 _Prise de conscience_

Ce matin, premier vrai contact avec les pèlerins en accueil, au restaurant. Beaucoup de consignes à mémoriser, tant pour la sécurité des personnes (régimes spéciaux à observer strictement) que pour l’esthétique de la table (pour le plaisir des yeux).

Un respect attentif est palpable partout : dans la serviette que l’on va plier à nouveau pour que dans le verre l’effet soit plus beau, dans le temps donné à écouter alors que mille choses sont à faire, et surtout dans les sourires de la bouche ou des yeux.

L’équipe me guide, me rassure et m’en montre l’exemple. J’ai beaucoup de chance d’être là ! Au-delà des aliments une nourriture est à disposition pour les pèlerins, quelque chose de bon, de chaud, de doux, des Chaudoudoux » (Claude Steiner : plus on en donne, plus il y en a et plus on en reçoit).

Pas de photo aujourd’hui … C’est la procession mariale que je désirais photographier, et ce projet ne s’est pas concrétiser.

Pendant une heure, et dans une immobilité maximale, j’ai tenu un grand lumignon des deux mains pour borner l’espace de l’esplanade côté Gave.

Le temps m’a d’abord paru fort long. Puis en voyant passer devant moi la file lente des fauteuils et des capucines bleues, une évidence s’est imposée peu à peu à moi : jusque-là, je croyais de façon réductrice qu’on venait à Lourdes pour « le miracle », pour guérir. D’où un certain scepticisme et un peu de condescendance.

Or en voyant toutes ces personnes dans leurs grandes douleurs physiques tenir leur bougie, la lever en suivant les chants, avancer vers la basilique, il m’apparut clairement qu’ils n’étaient pas là pour demander quelque chose, mais pour donner et remercier.

A la fin de la cérémonie, sur le parvis et toujours mon lumignon dans les mains, voyant toutes ces lumières briller dans la nuit naissante en un immense bouquet, j’en ai saisi la ferveur qui signe sans doute la vraie Foi.

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–  le 1er juin 2017

J4 _Foi et Lumière_

Ce matin, après un court passage aux chambres, j’ai rejoint l’équipe de « Foi et Lumière » pour une préparation à la Cérémonie de la Réconciliation. A partir du texte d’Évangile « la guérison du paralytique à Capharnaüm », préparé soigneusement pour s’adapter aux pèlerins porteurs de handicaps, c’est de la Foi dont il fut question. Se laisser faire dans la Foi. Ouvrir son Cœur.

Hélas ! Tant de « maladies » (les doutes, les peurs, l’envie, le ressentiment…) peuvent le paralyser… Ce sont ces « maladies » du Cœur que la Réconciliation permet de laisser derrière soi.

Quand le moment de la Cérémonie de Réconciliation fut venu, chaque pèlerin en accueil ayant au préalable couché sur une feuille de papier ce qu’il avait à « laisser derrière lui » confiait son travail au prêtre, qui l’examinait  et le commentait avec douceur. Puis posait sa main sur la tête du pèlerin. Pour finir par mettre cette « confession » dans sa poche, afin de  « porter » son contenu à la place du pèlerin comme Jésus porte nos péchés.

C’était simple et beau, j’étais admirative du processus.

Au fil de la cérémonie, j’ai senti que je tremblais en moi,  très émue quand je pouvais voir des postures changer, un visage fermé s’entrouvrir, un sourire presque imperceptible éclairer et rendre beaux des traits. Plus précisément, le pèlerin en accueil que j’accompagnais ce matin, qui m’était apparu à l’Accueil Notre Dame comme un prisonnier dans une cellule sans fenêtre, arrivait donc à percer avec moi (une inconnue pour lui) de toutes petites ouvertures, à créer des contacts qui, même fugitifs, m’ont transportée de joie, car je l’y ressentis bien présent et vivant, comme si son cœur intact se trouvait là. Échanges brefs mais très forts.

Quel merveilleux travail réalise cette équipe !

Merci de m’avoir permis de vivre cette matinée étonnante.

J’ai vécu ces moments comme un cadeau de la Vie.

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–  le 2 juin 2017

J5 _Faire des choses qu’on croyait impossibles_

Matin du dernier jour, c’est quasi incroyable !

J’ai pu mettre en pratique ce que Marie-Françoise (ergonome) avait enseigné lors du stage de 10 heures « Manipulation des Malades » (un « incontournable » qui apporte beaucoup, donc à consommer sans modération !). Il permet de faire les bons gestes, d’éviter ceux pouvant générer des douleurs ou des inconforts (voire pire) chez la personne malade, et aussi de la sécuriser.

De même qu’il protège le malade, cet enseignement pratique apprend à l’hospitalier comment épargner son dos et ses articulations (problème majeur dans le métier !).

Enfin, animé avec talent dans une ambiance chaleureuse, ce stage permet aux « nouveaux » de tisser des premiers liens (ma « sœur du cœur » du pèlerinage de Lourdes, je l’y ai rencontrée).

L’expérimentation commence dès la première demi-heure : redresser ou rehausser le malade même lourd voire très lourd, faire la toilette au lit, changer les draps dans un lit occupé…

Différentes techniques appropriées sont montrées pour que chacun y trouve celle qui convient le mieux à la situation ou celle où il se sent à l’aise. Être sous stress rend en effet moins relationnel, moins efficace  et même potentiellement dangereux parfois.

Enfin elle est offerte, comme un cadeau !

Cette préparation au terrain m’a permis de moins appréhender les toilettes parce que j’avais une représentation assez précise des différentes situations auxquelles je pouvais être confrontée. Rapidement je me sentis « dans le bain »(si j’ose dire).

Participer même modestement à la toilette d’une dame lourde et qui, la protection ayant débordé pendant la nuit, sentait fort … son corps dénudé et déformé par la maladie … J’imaginais que ce serait « au-dessus de mes forces », et (j’ai un peu honte de l’écrire), que ça me dégoûterait. J’avais l' »alibi » facile de mon ancien métier. Or, j’ai pû expérimenter que lorsqu’on accepte de se « brancher » sur notre amour pour l’autre au lieu de rester dans notre tête,  ces détails déplaisants s’évanouissent.

Ne reste que le but : que la personne se sente bien dans son corps propre, qu’elle puisse habiter sans déplaisir ni honte  ce corps tel qu’il est.

Quel plaisir quand je revis dans l’après-midi cette dame embellie par des cheveux propres qui brillaient au soleil et voletaient autour de sa tête …

Quelle leçon d’acceptation de l’autre et d’humilité m’a-t-elle donnée !

Quelle joie pour moi d’avoir pu dépasser mes préjugés !

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–  le 3 juin 2017

J6 _Il était une FOI…_

…un pèlerinage à Lourdes du Diocèse de Lyon, quelques jours bénis dans une bulle magique de fraternité et d’amour.

C’est le départ, le retour à la petite vie de tous les jours. Ma tristesse est chassée par l’effervescence des dernières tâches du dernier matin, au restaurant, dans les chambres, les valises, les cars … tout est orchestré avec tant de simplicité, tant de cœur à l’ouvrage, tant de cœur ! Le car, la route, la pluie. L’aire d’autoroute, le plateau repas, la pluie… Le parking de la clinique du Renaison, on décharge, la pluie. Il faut se quitter, c’est fait un peu dans la presse, chacun attend la voiture qui le ramènera chez lui. Le quotidien déjà cherche à happer de nouveau.

Comment faire pour lui résister et garder précieusement autant que je pourrai un cœur ouvert vers l’autre, celui qui m’a donné des ailes « là-bas ».

Heureuse de me retrouver dans ma maison, Lourdes va pourtant me manquer, comme il doit manquer à tous ceux qui vivent cette expérience incomparable, inoubliable.

On m’avait dit « c’est dur à raconter, il faut le vivre« . Ce soir je sais bien que c’est vrai. Trouver les mots s’avère compliqué, l’ivresse ne partira pas de sitôt.

Tant de visages, de voix, de rires et de sanglots m’accompagneront, que je ne souhaite pas voir s’éloigner. Mais plus forte que tout, l’image de cette dame âgée arrivée aux piscines en brancard. Pendant le déshabillage, elle déborde d’émotion, parle, prie, embrasse avec ferveur une petite statue de la vierge Marie et je suis chavirée par la Foi qu’elle exprime. L’équipe au complet entoure le brancard pour prier avec cette femme touchante. Puis les gestes techniques se mettent en place, indispensables, remplaçant l’émotion : la sécurité est primordiale ! Changement de brancard. Ensemble, d’un seul « corps », nous la soulevons et la portons jusqu’à la piscine. L’immersion. Retour à la cabine. La dame embrasse la petite statue (elle aura du mal à la lâcher), embrasse nos mains, rit, pleure, parle sans que les mots soient compréhensibles, mais nul besoin de traduction : elle Croit, elle a la Foi. Cette Foi qui ne la guérit pourtant pas l’aide à exister dans son corps si douloureux, donne du sens à sa vie.

Lumière d’Espérance, qui permet de tout supporter sans se plaindre et au contraire en remerciant.

J’ai senti la présence  de cette dame tout l’après-midi, comme s’il restait quelque chose d’elle dans la cabine. Quelque chose qui est peut-être une graine qui va un jour germer, quand l’hiver sera fini et qu’arrivera le printemps…

Il était une fois à Lourdes, la FOI.

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